Alain de Condé
Il n'est pas interdit à un peintre d'avoir du goût. Dans
les époques de haute culture, c'était même l'une des composantes du talent.
Du goût, Alain de Condé en a plus que personne. Objets, décors, demeures, jardins,
il a le don de les connaître, de les apprécier, de les agencer, de les aimer.
Son regard assigne au meuble d'art la juste place qu'il doit occuper dans la
pièce. La fleur, au juste endroit plantée, s'épanouit sous sa main. Sa voix
doit avoir, pour les oiseaux, une justesse franciscaine, puisqu'il les apprivoise.
L'harmonie est son affaire, qu'il s'enchante de trouver dans la nature, ou qu'il
s'efforce d'y mettre quand elle n'y est pas, ce qui est peut-être, après tout,
le principal travail confié par Dieu à l'homme.
Sa peinture, d'une certaine manière, est une action de grâces, ce qui en fait
la lumière. On dirait que cet érudit des arts, en peignant, remercie les choses
d'être, les siècles d'avoir formé la main humaine à tourner le bois précieux,
tisser la soie ou le velours, broyer les couleurs, fondre le bronze, l'or et
l'argent, de même qu'il remercie, l'arbre et le ciel de leur présence éternelle,
de l'autre côté de la fenêtre.
Qu'on ne lui demande pas de grincer ou de briser. Une atavique élégance lui
interdira toujours de laisser paraître dans un tableau une plainte, un reproche,
une angoisse. Il confie aux paysages qui nous entourent, aux décors qui nous
reflètent, aux fleurs qui nous accompagnent de témoigner pour le meilleur de
nous même, en y ajoutant un peu de rêve.
Voici apparu, voici installé parmi nous un peintre de grande lignée, un artiste
qui a assez d'âme pour la dispenser aux choses, avec une calme profusion.
Maurice Druon
de l'Académie Française
Avec l'accord
du peintre Alain de Condé